L’Espagne était l’un des principaux marchés européens des PPA solaires en 2024, mais les contrats ont été mis à l’épreuve lorsque le marché de gros a connu pour la première fois des prix négatifs. Au printemps 2025, il y a eu 404 heures à prix négatif sur le marché de gros, soit 72 % de plus qu’en Allemagne.
Après un gel initial, le marché des PPA a évolué : les accords sont devenus plus petits, les contrats plus complexes et la colocalisation avec le stockage est devenue centrale.
Points clés à retenir
- Le modèle « pay-as-produced » domine toujours pour le solaire. Mais une tendance claire se dessine vers des contrats baseload ou à profil fixe. Les acheteurs paient plus cher ; les vendeurs assument le risque de profil.
- Les prix négatifs sont désormais fréquents. Les nouveaux contrats incluent des planchers à 0 €/MWh et souvent des plafonds sur le nombre d’heures négatives prises en compte dans le règlement.
- Les prix ont atteint les plus bas d’Europe. Mi-2025, les PPA solaires typiques tournaient autour de 34 €/MWh, certains accords étant proches de 30–32 €/MWh. Bon pour les acheteurs, plus difficile pour le financement.
Vers un changement du « pay-as-produced » ?
Dans un contrat « pay-as-produced », l’acheteur achète l’électricité produite par l’actif pour chaque heure. C’est la méthode la plus courante pour régler l’électricité générée.
Le risque de volume correspond à l’incertitude que la production ou la consommation réelle diffère du profil attendu, obligeant à acheter ou vendre l’écart sur le marché.
Si la production baisse (à cause des nuages ou d’incidents), ils reçoivent moins de MWh et doivent compléter sur le marché ; si la production dépasse les prévisions, ils prennent le surplus sur le marché de gros. Le risque de volume incombe à l’acheteur, donc le prix est généralement plus bas car le vendeur n’assume pas le risque de livraison.
Avec un profil fixe, le vendeur s’engage sur un profil horaire prédéfini pour le règlement financier. Tout déficit ou surplus est réglé automatiquement ; le stockage, la couverture de portefeuille ou les échanges sont des outils pour gérer cette exposition, mais ne sont pas requis par le contrat. L’acheteur paie une prime pour la fermeté et la simplicité opérationnelle.
Le « pay-as-produced » reste la forme la plus répandue à ce jour, et cette tendance devrait se poursuivre. Les développeurs et investisseurs cherchent à limiter les risques au maximum, tout en permettant aux acheteurs de mieux gérer leur exposition.
Contraintes locales : des revenus limités
Dans un PPA standard « pay-as-produced », l’acheteur ne paie que pour les MWh mesurés et livrés. Sauf si le PPA prévoit une clause d’« énergie réputée injectée » ou une compensation explicite en cas de limitation, si le gestionnaire de réseau espagnol (Red Eléctrica) réduit la production d’une centrale, il n’y a pas de rémunération pour l’énergie perdue. Sans cela, le risque de limitation pèse sur le producteur, ce qui réduit et déstabilise les revenus.
Prix négatifs : nouvelles règles contractuelles
Pour les anciens contrats, si les prix de gros deviennent négatifs, le règlement est suspendu et les revenus de l’actif du producteur tombent à zéro pour ces heures. L’acheteur cesse de payer pendant ces périodes négatives, donc le vendeur supporte le risque via la perte de revenus et la volatilité de trésorerie ; en contrepartie, les prix de ces anciens PPA étaient souvent plus élevés.
Dans les nouveaux contrats, le règlement se poursuit lors des heures négatives, mais le prix est plafonné à 0 €/MWh, ce qui évite une chute brutale des revenus. L’impact économique de ces heures négatives est intégré dans un prix d’exercice (strike price) généralement plus bas, ce qui stabilise les revenus du vendeur et expose l’acheteur à un certain risque, avec un partage plus équilibré.
En pratique, on observe des planchers à zéro, des limites sur le nombre d’heures négatives par mois/trimestre, et des clauses de limitation plus claires dans les contrats. L’objectif est la stabilité des flux de trésorerie plutôt que la chute des revenus.
Backtest pour 2024 et 2025
Les PPA solaires espagnols se situaient autour de 30-35 €/MWh, mais les conditions de marché poussent les offres à la baisse, parfois même sous 30 €/MWh.
L’absence de règlement à 0 €/MWh lors des heures négatives provoque des creux visibles au printemps et une plus grande volatilité des flux de trésorerie. Avec un plancher à zéro, le prix d’exercice varie à peine, maintenant les revenus proches d’une ligne régulière sur l’année.
On peut s’attendre à un écart de prix d’au moins 3 €/MWh entre les deux types de contrats, compte tenu du risque de prix négatif.
Le stockage peut-il transformer le paysage des PPA ?
Même avec des conditions contractuelles plus intelligentes, le marché reste favorable aux acheteurs. La production solaire diurne est très concentrée sur les mêmes heures. Ajouter du stockage ou de la production hybride permet d’obtenir de meilleurs prix et d’améliorer la bancabilité :
- Le stockage apporte forme et valeur. Les batteries permettent aux vendeurs de fiabiliser les profils de livraison, de limiter l’exposition aux prix négatifs et de capter les pics du soir. Cela favorise les PPA à profil fixe et des prix d’exercice plus élevés.
- La diversification est essentielle. La possibilité de combiner les revenus des PPA avec l’optimisation sur le marché de gros, les services système ou les mécanismes de capacité réduit l’exposition à une baisse des revenus de gros.
Conclusion
Le marché espagnol des PPA est passé du « solaire bon marché » à des contrats intelligents et équilibrés en termes de risque. Les prix sont plus bas, mais les structures sont plus adaptées : planchers à zéro plutôt que clauses de non-règlement, clauses de limitation plus précises, et plus de flexibilité apportée par le stockage et les portefeuilles de vendeurs.
La prochaine étape concerne le financement. Les projets capables de façonner leur production (via batteries, hybrides ou portefeuilles diversifiés) continueront d’accéder à la dette et d’obtenir de meilleurs contreparties. Les acheteurs, quant à eux, bénéficient d’une offre plus simple et plus fiable. En résumé : plus de résilience, moins de volatilité, et un marché pensé pour une ère où les prix négatifs sont la norme, et non l’exception.