Qu'est-ce que l'inertie ?
Dans le langage courant, l'inertie désigne simplement une tendance à rester inchangé. Lorsqu'on parle d'être submergé par un sentiment d'inertie, cela signifie généralement que l'on se sent bloqué dans une routine ou que l'on agit machinalement. En physique, l'inertie est la résistance à un changement de vitesse. Vous avez déjà remarqué qu'une roue de hamster continue de tourner même après que le hamster ait arrêté de courir ? C'est ça, l'inertie.

Mais alors, quel rapport avec l'énergie ? De nombreux générateurs traditionnels (centrales à charbon ou à gaz, ainsi que les centrales nucléaires) utilisent des pièces en rotation - par exemple des turbines et des alternateurs - pour produire de l'électricité. Ces pièces tournent à une fréquence qui correspond et soutient celle du réseau électrique (50 Hz). Lorsqu'un générateur perd de la puissance, ces pièces en mouvement veulent continuer à tourner à la même fréquence. (Un générateur tourne pour produire de l'énergie. S'il perd de la puissance, il tournera probablement moins vite.) L'énergie cinétique stockée dans ces pièces en rotation s'appelle « l'inertie ».
L'inertie aide le National Grid ESO à maintenir la fréquence du réseau autour de 50 Hz. Lorsqu'il y a une déviation de fréquence, le taux de variation de la fréquence (RoCoF) augmente. (Le taux de variation de la fréquence fait référence à la rapidité de la déviation de la fréquence – et il s'exprime en Hz/seconde. Cela nous indique à quel point le réseau est robuste à un instant donné.) L'inertie permet de ralentir le RoCoF.
Quand un générateur perd de la puissance, il existe généralement une fenêtre de quatre à cinq secondes durant laquelle ces pièces en rotation produisent de l'inertie. Cependant, ces quelques secondes donnent le temps aux systèmes mécaniques du réseau de détecter le déséquilibre (via l'augmentation du RoCoF) et d’indiquer aux générateurs d'accélérer ou de ralentir. Pour reprendre les mots de l'ESO, « l'inertie agit un peu comme les amortisseurs de la suspension de votre voiture ».
Une inertie en baisse
À mesure que nous nous éloignons des modes de production traditionnels (comme ceux cités plus haut) pour aller vers les énergies renouvelables, l'inertie du système diminue. Cela s'explique par le fait que les renouvelables – en particulier l'éolien et le solaire – ne produisent pas d'inertie*. La figure 1 (ci-dessous) montre comment l'inertie moyenne du système a diminué entre 2008 et 2019.
* Vous vous demandez peut-être pourquoi les éoliennes ne produisent pas d'inertie. C'est parce que l'énergie produite par les éoliennes doit passer par un onduleur avant d'être injectée dans le réseau. Pour contribuer à l'inertie, il doit y avoir un couplage électromagnétique direct entre l'installation et le réseau électrique. Cela permet de traduire les écarts en couple mécanique.

Comme le montre le graphique ci-dessus, il y a des moments où l'inertie est susceptible d'être plus élevée ou plus faible. Lorsque la demande globale du système est faible, par exemple pendant la période creuse de l'été, la production renouvelable (sans inertie) peut couvrir une grande partie de cette demande. Ainsi, une faible inertie survient lors des périodes de faible demande et de forte production renouvelable.
Lorsque la demande globale du système est élevée, comme lors du pic hivernal, une production plus importante est nécessaire. La production renouvelable (sans inertie) ne peut pas répondre à une part aussi importante de la demande, et d'autres types de production – comme les centrales traditionnelles produisant de l'inertie – doivent être sollicitées. Ainsi, une forte inertie se produit lors des périodes de forte demande et de faible production renouvelable.
La figure 2 (ci-dessous) montre la corrélation entre la demande et l'inertie. Elle confirme également la diminution globale de l'inertie depuis 2009.

Quel impact sur la fréquence du réseau ?
Avec la part croissante des énergies renouvelables intermittentes et la diminution de l'inertie, la volatilité de la fréquence a augmenté. Grâce à une excellente analyse de Grecia Monsalve, on constate que le nombre d'événements de basse fréquence (définis comme des périodes où la fréquence du système chute de plus de 0,3 Hz) et leur durée ont fortement augmenté entre 2014 et 2020. La figure 3 (ci-dessous) présente les graphiques issus de cet article.

Quelles alternatives ?
Une inertie plus faible signifie que le National Grid ESO doit trouver d'autres moyens de ralentir le RoCoF en cas de déviations de fréquence. L'une des solutions consiste à recourir à différents services de réponse en fréquence. Dynamic Containment (DC) est un service rapide, activé après une défaillance. Lorsque la fréquence sort des limites opérationnelles (±0,2 Hz), l'ESO fait appel aux participants DC – des systèmes de stockage d'énergie par batterie (BESS) – pour réagir et ramener la fréquence vers 50 Hz.
Le besoin de Dynamic Containment basse fréquence (DCL) dépend en grande partie de la quantité d'inertie présente sur le réseau à un moment donné. En période de faible inertie, le risque de survenue d'un événement RoCoF étant plus important, le besoin en DCL est généralement plus élevé. Cela se voit sur la figure 4 (ci-dessous), issue de notre étude récente sur les prix du DC.

Cependant, l'achat de services de réponse en fréquence représente un coût important pour l'ESO. (Bien sûr, beaucoup diront que ce coût est justifié, puisqu'il assure la sécurité d'alimentation et contribue à remplacer les centrales thermiques traditionnelles.) La figure 5 (ci-dessous) montre l'augmentation du coût de gestion du RoCoF. Même si ces chiffres peuvent englober différents projets, il est raisonnable de supposer – au vu des montants affichés – que la majeure partie de ces coûts concerne l'achat de services de réponse en fréquence (s'ils incluent la Mandatory Frequency Response). Le coût de gestion du RoCoF a donc été multiplié par dix environ en cinq ans, entre 2017 et 2021.

Comment l'ESO remplace-t-il l'inertie autrement ?
En plus de ses services de réponse en fréquence, l'ESO explore d'autres solutions propres pour fournir de l'inertie au système. À travers ses programmes « stability pathfinders », il finance la reconversion de générateurs à vapeur et de centrales à gaz devenus obsolètes. Il soutient aussi la construction de nouvelles unités de compensation synchrone et de turbines vertes spécialement conçues. Pour en savoir plus sur ces projets, rendez-vous ici et ici.
Dans la vidéo ci-dessous, découvrez un timelapse du projet de turbine verte de Statkraft à Keith Greener Grid Park, dans le Moray, en Écosse.
Pour aller plus loin sur la manière dont l'ESO mesure l'inertie du système, consultez ce lien.
Comme toujours, nous serions ravis d'avoir vos retours sur cet article. Si vous avez des questions ou souhaitez enrichir la discussion, laissez un commentaire ci-dessous.