30 May 2022

LMP - Troisième partie : modélisation d’un système de stockage d’énergie par batterie

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LMP - Troisième partie : modélisation d’un système de stockage d’énergie par batterie

La tarification nodale – également appelée tarification marginale localisée (ou LMP) – est une méthode permettant de déterminer le prix de l’électricité qui varie selon la localisation. Dans la première partie, nous avons examiné les implications de la tarification nodale pour l’ensemble du système énergétique en Grande-Bretagne. Ensuite, dans la deuxième partie, nous avons exploré ce que cela pourrait signifier pour le stockage d’énergie par batterie.

Pour cette troisième partie, nous avons modélisé le comportement d’un système de stockage d’énergie par batterie sur une journée entière, sur un nœud simulé. Dans ce scénario, nous avons imaginé le nœud comme un seul Point d’Injection du Réseau (GSP). Comme le montre la figure 1 (ci-dessous), il y en a 362 à travers la Grande-Bretagne.

Potential nodes in Great Britain
Figure 1 : Nœuds potentiels à travers la Grande-Bretagne.

La figure 2 (ci-dessous) montre la composition modélisée de la production décentralisée dans chacun des GSP à l’hiver 2025/26. Ces données proviennent des Scénarios Énergétiques Futurs 2021 de NG ESO (en particulier le scénario Leading the Way). La demande moyenne projetée est superposée (ligne violette).

Embedded capacity and demand by GSP, winter 2025/26.
Figure 2 : Capacité décentralisée et demande par GSP, hiver 2025/26.

Il peut être utile de considérer cet article non pas comme une prévision, mais plutôt comme un complément aux parties une et deux. Ensemble, ces trois articles visent à donner une vision globale du fonctionnement potentiel du stockage d’énergie par batterie dans un système de tarification nodale.

Alerte spoiler

Dans cet article, nous montrons comment une batterie peut être optimisée dans un système de tarification nodale. Un nœud spécifique présente des caractéristiques uniques qui entraînent certains signaux de prix. Nous pouvons ensuite ajouter des services auxiliaires nationaux pour augmenter les revenus. Cela ressemble à une optimisation « behind-the-meter » (ou en co-localisation), où les spécificités du site peuvent entraîner des différences importantes dans l’exploitation optimale du stockage.

À quoi ressembleront ces GSP ?

La figure 3 (ci-dessous) présente la capacité modélisée de cinq Points d’Injection du Réseau individuels. Comme précédemment, la demande moyenne projetée est représentée en violet. Chaque GSP a une composition différente de capacité décentralisée, de demande et de flexibilité (ici définie comme le stockage). Nous avons choisi ces cinq GSP car ils sont particulièrement intéressants : l’un a une demande très élevée, un autre beaucoup d’éolien, un autre beaucoup de solaire décentralisé, un autre une forte capacité de base, et le dernier un bon mélange.

Figure 3 : Points d’Injection du Réseau individuels

Ces modèles de GSP individuels permettent de mieux comprendre ce que pourraient faire les batteries selon leur localisation. (Dans cet article, nous nous concentrerons sur BOLN_1, MITY_1, et surtout CREB_1. Les autres sont présentés pour illustrer la diversité des configurations possibles dans ces GSP.)

Par exemple, le GSP de Minety dans le Wiltshire (MITY_1) – qui possède déjà une batterie opérationnelle de 100 MW ainsi qu’un autre site de stockage de 49,9 MW récemment mis en service* – devrait atteindre près de 700 MW de solaire d’ici 2025/26. Cela dépassera la faible demande locale lors des périodes les plus ensoleillées. Ainsi, une batterie ici pourrait se charger grâce au surplus solaire bon marché en milieu de journée, se décharger lors du pic, et fournir des services auxiliaires le reste du temps.

* Le graphique ci-dessus modélise 131 MW de stockage à Minety d’ici 2025/26. Les plus attentifs remarqueront qu’il y a déjà plus de 131 MW installés. Cela s’explique par l’utilisation des modèles FES 2021 pour les graphiques, qui restent des modèles sujets à des écarts.

À l’inverse, le GSP de Bolney dans le West Sussex (BOLN_1) devrait connaître une forte demande avec peu de production locale. Il sera donc importateur net. Le stockage ici devrait tirer ses revenus principalement des services auxiliaires, mais pourrait aussi profiter d’opportunités d’arbitrage sur le prix d’importation au nœud.

À quoi ressemble notre nœud ?

Pour notre étude de cas, nous avons observé ce que pourrait faire une batterie sur un nœud GSP au cours d’une journée de novembre 2025. La figure 4 (ci-dessous) illustre cette journée. Ce nœud simulé est basé sur Creyke Beck (CREB_1), bien qu’il diffère légèrement. Nous avons choisi Creyke Beck pour sa diversité de production.

Figure 4 : Nœud simulé, pour une journée type de novembre 2025
  • La production solaire est assez faible, avec un facteur de charge de 5 % (car c’est l’hiver). On observe des pics de production « autres » issus d’installations alimentées au biogaz, et beaucoup de vent.
  • La demande résiduelle sur le nœud est négative la majeure partie de la journée, ce qui signifie que le nœud est exportateur net, avec un peu d’import la nuit.
  • En conséquence, le prix modélisé est élevé lors des périodes d’importation, et bas lorsque la production renouvelable locale dépasse la demande.

La figure 5 (ci-dessous) montre le même nœud, cette fois avec une limite d’import/export de 200 MVA.

Figure 5 : Nœud simulé, pour une journée fictive de novembre 2025, avec contraintes d’import/export
  • La demande résiduelle dépasse parfois la limite d’export (entre 10h et 15h).
  • Pendant ces périodes, les consommateurs du nœud sont incités à consommer davantage. Plutôt que de limiter la production, il pourrait être moins coûteux de payer les utilisateurs pour consommer plus.
  • C’est ainsi que l’on obtient un « prix nodal », qui augmente fortement lorsque la consommation approche la limite d’export ou d’import du nœud.

Que fait notre système de stockage d’énergie par batterie ?

Nous avons modélisé un système de stockage d’énergie par batterie de 50 MW / 100 MWh, avec un rendement de cycle de 85 %. Nous permettons au système de réaliser 1,75 cycles sur cette journée. La figure 6 (ci-dessous) présente le planning de charge/décharge de notre batterie selon le prix nodal dans notre exemple.

(Au moment de la rédaction, il existe une seule batterie opérationnelle de 49,9 MW / 50 MWh sur le GSP CREB_1, soit Creyke Beck.)

Figure 6 : Planning de charge et décharge potentiel de la batterie, pour une journée fictive de novembre 2025 sur notre nœud simulé
  • Lorsque le prix grimpe pendant la nuit, la batterie se décharge.
  • En milieu de journée, quand la contrainte d’export serait dépassée, la batterie se charge (et est rémunérée pour cela). Ainsi, la limite d’export du nœud n’est pas dépassée, donc aucune limitation n’est nécessaire.
  • La batterie se décharge ensuite lors des périodes de prix élevés plus tard dans la journée.

Cette optimisation repose uniquement sur le prix nodal modélisé : le planning ci-dessus suppose que la batterie ne cherche que des opportunités d’arbitrage autour du prix nodal. Cela aboutit à une longue période où le système est presque vide. Si d’autres facteurs étaient pris en compte (état minimum d’énergie, revenus supplémentaires liés à la disponibilité pour les services auxiliaires), l’optimisation changerait pour réduire le temps passé à 0 %, mais les revenus d’arbitrage diminueraient !

Que fait notre système de stockage d’énergie par batterie en réponse fréquence ?

Disponibilité pour les services auxiliaires

Comment ce planning affecte-t-il la disponibilité de l’actif pour fournir des services auxiliaires ? La figure 7 (ci-dessous) l’illustre.

Figure 7 : Disponibilité pour les services auxiliaires, selon le planning de charge/décharge

En théorie, une batterie de 50 MW inactive sur un site sans contrainte aurait 50 MW de disponibilité en charge et 50 MW en décharge. Sur notre nœud, la disponibilité est limitée – par la demande résiduelle, les contraintes d’import/export, et l’énergie disponible dans la batterie (par exemple, lorsqu’elle est vide après la décharge nocturne, elle ne peut plus se décharger).

Elle dépend aussi de la puissance de la batterie. Si la batterie est en charge à 50 MW, elle peut arrêter de charger et commencer à décharger. Dans ce cas, elle peut décharger 100 MW, mais n’a aucune disponibilité de charge (car elle charge déjà à pleine puissance).

En modulant sa puissance programmée (en fonction de l’optimisation sur le prix nodal), la batterie peut fournir des services auxiliaires sur les marchés nationaux, tant que ces services ne nécessitent pas une puissance élevée (« faible utilisation »). Cela signifie que la participation à ces services n’entraînera pas de déviation importante par rapport au planning prévu (la plupart du temps). Ainsi, la batterie peut rester flexible pour le nœud, tout en cumulant un autre service – et générer des revenus supplémentaires.

À quoi ressemblent les prix de règlement ?

La figure 8 (ci-dessous) montre les prix de règlement nationaux pour la réponse fréquence sur notre journée modélisée.

Figure 8 : Prix de règlement modélisés pour la réponse fréquence
  • Les prix moyens sont de 10 £/MW/h pour le service haute fréquence, et de 8 £/MW/h pour le service basse fréquence.
  • Puisque ce service est à faible utilisation (similaire à Dynamic Containment), notre batterie peut y participer en plus de ses activités de trading sur le marché de gros.

La figure 9 (ci-dessous) présente la disponibilité de la batterie pour les services auxiliaires, avec ces prix de règlement superposés. Cette disponibilité dépend du planning de charge/décharge, de l’énergie du système, et de la capacité du nœud à importer/exporter (une fois la demande résiduelle prise en compte).

Figure 9 : Prix de règlement modélisés et disponibilité pour les services auxiliaires (superposés)
  • Quand la batterie se décharge complètement, vers minuit, la disponibilité de décharge tombe à zéro.
  • Il n’y a qu’une seule période de règlement (13h30-14h00) où la batterie n’a aucune disponibilité de charge ou de décharge : elle est alors en charge maximale, à vide – donc ne peut plus charger, ni décharger faute d’énergie stockée.

Nous supposons que ce service auxiliaire est acheté par bloc EFA, et non par période de règlement (comme actuellement). Il faut pouvoir fournir le volume vendu sur toute la durée du bloc EFA. Ainsi, on doit retenir la disponibilité minimale par bloc EFA comme volume à proposer, à la charge (haute fréquence) comme à la décharge (basse fréquence). Dans le scénario de la figure 9, cela signifie que la batterie ne peut proposer de réponse fréquence ni sur EFA 1 ni EFA 4 – car à certains moments de ces blocs, la disponibilité haute et basse est nulle.

Quel impact aurait l’achat par période de règlement ?

Ces limites sur la quantité et la fréquence de fourniture de réponse fréquence sont dues au marché organisé par bloc EFA. Comme indiqué, si la batterie n’a aucune disponibilité à un moment du bloc de 4 h, elle ne peut fournir le service sur aucune des 4 h. Si cela semble inefficace, c’est bien le cas.

Si le marché était organisé différemment – si la réponse fréquence était achetée par demi-heure plutôt que par bloc EFA de 4 h – que pourrait faire notre batterie ? La figure 10 (ci-dessous) montre le volume de réponse fréquence que la batterie pourrait fournir sur notre journée simulée si le service était acheté par période de règlement.

Figure 10 : Fenêtres d’achat des services auxiliaires : volume quotidien total que la batterie peut vendre
  • Sur cette journée, l’achat par période de règlement permettrait à la batterie de fournir 120 % de volume en plus qu’avec l’achat par bloc EFA.

Si une batterie pouvait modifier son offre à chaque période de règlement, elle pourrait vendre bien plus de flexibilité disponible. En théorie, cela profiterait aussi à l’ESO, qui pourrait ajuster les volumes au plus près du besoin réel. Plus d’actifs pourraient proposer leur flexibilité – ce qui augmenterait la concurrence et pourrait faire baisser les prix. Cependant, cela réduirait probablement le volume total acheté – donc un marché plus restreint pour le stockage batterie.

Combien d’argent notre système de stockage d’énergie par batterie rapporte-t-il réellement ?

Maintenant que nous avons vu la stratégie d’optimisation de notre batterie, examinons les revenus. La figure 11 (ci-dessous) présente les revenus modélisés de notre système sur cette journée de novembre sur notre nœud fictif. On observe de forts pics d’arbitrage sur certains blocs EFA, les services auxiliaires apportant des revenus stables le reste du temps.

Figure 11 : Revenus nodaux cumulés

Bien sûr, il faut prendre ces résultats avec prudence. Ces prix ne reflètent pas forcément les opportunités réelles qui pourraient exister sous tarification nodale. À titre de comparaison, les systèmes de stockage batterie de deux heures ont gagné en moyenne 311,40 £/MWh/jour en novembre 2021 lors d’une volatilité exceptionnelle. Sous tarification nodale, nous nous attendrions à des revenus bien plus élevés sur certains nœuds, et beaucoup plus faibles sur d’autres.

Conclusion

Disposer de données fiables, dans un format commun et en temps utile, sera essentiel pour exploiter pleinement la flexibilité nodale. Si le travail de l’optimiseur (et de tous ceux qui modélisent les opportunités sur différents nœuds) risque de devenir bien plus complexe, il pourrait aussi devenir plus intéressant. Au final, le système dans son ensemble devrait bénéficier de coûts d’équilibrage moins élevés !